Le pouvoir des mots atelier bric à book numéro 36
Il avait décidé de passer par le parc pour rentrer chez lui, histoire de se dégourdir les jambes et surtout d’évacuer la tension du boulot. Ce petit trajet quotidien d’une dizaine de minutes lui permettait de couper, faire une césure entre le boulot et la maison. Prendre un peu de temps pour lui, avant d’entamer sa deuxième journée et d’aller chercher les enfants. Il savourait ses instants tranquilles, en profiter pour observer autour de lui et c’est là qu’il les aperçut.
Scène surréaliste, un couple, assis tranquillement dans une chaise longue le nez vissé sur leurs téléphones portables, étranger, en dehors de cette journée d’été. Quelle idée de se déplacer, de se poser et de ne pas se parler. Dans quel monde vivons nous toujours plus présent dans la réalité virtuelle, à scruter, réagir à la seconde pour n’importe quelle émission ou à la moindre photo et incapable de se poser tranquille à l’extérieur. Triste époque où on préfère être seul même à 2 ; où le téléphone devient notre doudou, où on est complètement paumé, affolé quand il ne sonne pas ou si on ne met pas tout de suite la main dessus.
Comment en quelques années avons-nous pu devenir aussi dépendants de cette petite chose? Quand il était plus jeune, il avait lutté de toutes ses forces pour ne pas avoir un téléphone portable. Il n‘avait pas envie que ses parents le saoulent pour lui demander pourquoi il n’était pas encore rentré où il était. Maintenant dès le début du primaire des gosses se promènent avec, bizarre. Comme quoi on aime bien avoir des fils à la patte et s’auto-abrutir.
Mais bon, il fallait qu’il soit honnête lui aussi se laisser contaminer peut à peu par instagram, le réflexe de prendre une photo et de la partager. Il fallait vraiment qu’il se surveille s’il ne voulait pas devenir comme ce couple avec leur solitude à 2. Qu’y avait il de si intéressant sur ce petit écran lumineux qui les empêchait de parler, de se regarder, de s’écouter.
A la limite, ils auraient été plongé dans un livre il aurait compris mais là. Sa femme aurait encore dit qu’il était vieille France en quoi lire qui était aussi une activité solitaire était elle meilleure que consulter son fil twitter ?
Il avait du mal à lui faire comprendre que non la lecture d’un livre n’avait rien à voir avec la consommation passive d’infos en ligne ou les conversations rapides en mp. Le fait d’évoluer à travers les pages, de découvrir d’autres univers, pays, mentalités faisaient qu’on en ressortait grandit, bouleversé, agacé mais forcément changé. On ne grandissait pas en regardant des vidéos débiles de chat ou des hashtags surréalistes du genre on hait le lundi.
Alors qu’un livre parfois ça pouvait changer votre vie, il se rappelait de ce livre qu’il avait acheté un peu par hasard pour sa couverture verte.
Ca n’allait pas fort à l’époque, même plutôt mal, il cumulait comme on dit, ennui de santé, pression au boulot et il était en train de se refermer comme une huitre. Ses amis avaient essayé de l’inviter pour lui changer les idées, mais il n’arrivait pas à se détendre. Un soir alors qu’il faisait une énième insomnie, il s’était dit qu’au lieu de se retourner dans son lit, il ferait mieux de lire. Il avait attrapé ce livre et il avait commencé, au début tranquillement, puis peu à peu il avait tout oublié, le silence de l’appart, la journée pourrie du lendemain à venir.
Il avait compatie, rit, tremblé pour les personnages. Il s’était retrouvé dans le personnage désabusé qui finalement décidait de continuer à vivre. Quand il avait relevé la tête, le réveil affichait 4h, dans 3 h le réveil allait sonner mais pour la 1ere fois depuis un moment il se sentait bien. Il avait dormi d’une traite ce jour là et avait décidé de se reprendre. Peut être que s’il n’avait pas ouvert ce livre, il se serait laissait couler ou aurait fait une connerie, mais grâce à cette lecture, ce livre en ouvrant une petite lucarne d’espoir même lointaine, lui avait permis de sortir la tête de l’eau. A partir de ce moment là, il se mit à lire tous les soirs, pour essayer d’embellir son quotidien.il avait remonté la pente et repris le contrôle de sa vie.
Comme quoi quelques mots couchés sur le papier pouvaient avoir une grande force. Sans s’en rendre compte ses pieds avaient pris la destination de la librairie. Il était en avance il avait largement le temps de demander conseil auprès de son libraire, et de prendre un nouveau livre avant d’arriver à l’école.
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