Instant parisien atelier bric à book numéro 49
© Julien Ribot
C’était toujours la même émotion quand elle rentrait la nuit, peu importe le nombre de fois où elle l’avait déjà vue cette lumière sur Notre Dame, ces feux dans Paris. Ca lui faisait toujours son petit effet même avec les années qui défilaient. Elle avait l’impression d’avoir la ville pour elle seule, d’être dans le Paris des romans de Balzac, Zola et Hugo, que les rêves allaient pouvoir se réaliser au cœur de la nuit.
Elle n’entendait que le bruit de ses pas dans la rue, en face d’elle les passants plutôt rares à cette heure semblait être en pause silencieuse. Tout en continuant son chemin vers la berge, elle se rappela son arrivée à Paris, pleine d’espoir, plus jeune qu’aujourd’hui. Cet émerveillement face à la ville Lumière, l’impression de marcher au cœur de l’histoire de ne plus savoir où lever la tête. D’être impressionnée par cette immense cathédrale blanche, ses gargouilles, son parc. La multitude des gens, leurs pas pressés, les langues et les couleurs différentes, tout semblait démultiplié ici. Avoir envie de prendre des photos à tout bout de champ ; de la grande dame de fer en été, hiver, de nuit comme de jour avec ses lumières qui brillent. Se rappeler le froid qui l’avait envahie quand il n’y avait eu que des bougies et des mots place de la République, le silence puis les mots, les bruits lors de la marche de janvier. Le tintement des cyclistes qui passent à toute allure et des moments suspendus aux terrasses de café.
Cette fascination, répulsion pour la ville était toujours là, car l’envers c’était aussi ce gris, ce souffle de pollution. Ces gens qui vous bousculent, font la gueule. Ces sans abris aux abords du métro, ses appels à l’aide quotidien en prenant les transports qui font qu’on se blinde peu à peu. Comme un pantin mécanique, la ville nous dépouille de notre humanité, on se met à courir comme les autres, à détourner le regard, à râler après les galères des transports pour être un bon parisien. Mais souvent, le premier émoi, la fascination pour l’architecture revenait, à chaque fois que ses pas se rapprochaient des quais, de la Seine. Comme une vibration, un écho secret de son âme.
Elle avait voulu la voir une dernière fois, cette image de Paris idéal, ses espoirs et ses rêves enfouis, avant de sauter. Un dernier regard, une émotion devant cette beauté qui continuerait quand elle ne serait plus. Ces pierres des siècles passées qui resteraient à veiller sur la ville et ses milliers de fourmis.
©eirenamg