Evolution atelier bric à book numéro 58
Longtemps cette gare avait été un échappatoire, le seul lien qui la maintenait en interaction avec les autres. La course pour arriver à l’heure, composter, trouver sa place et enfin se poser une fois la valise rangée dans le compartiment. Ensuite, sortir le livre ou envoyer le sms d’usage pour dire qu’on était bien dans le train, l’heure d’arrivée. Visser les écouteurs dans ses oreilles et programmer la playlist pour 3h30 de voyage.
Des milliers de minutes, d’heures pendant 5 ans, 5 ans de course, d’espoir, d’échappatoire de la région parisienne. 5 ans d’attente pour retrouver un chez soi, une vie normale, des amis, la famille et son home sweet home.
Et puis, un jour la mécanique se grippe ça commence insidieusement, la non envie de se dépêcher, le fait de retarder son départ, de partir plus tôt de province. D’être content de rentrer le soir et de ne plus avoir envie d’avoir un rythme de malade lors des congés. Et finalement cette gare qui était le lieu, la porte du paradis, de la déconnexion ,de l’oubli devient juste une gare. Un lieu de passage où comme là les gens vont et viennent sous ses yeux, se dépêchent d’aller reprendre leur vie ou de flâner en touriste à Paris.
Finalement,la solitude non souhaitée, non voulue devient une douce amie mais les proches restaient au loin ne comprennent pas. Quelle idée de vouloir rester dans le bruit, le stress au lieu de rentrer tranquillement à la campagne ? Comment expliquer que peu à peu on s’habitue à cette folie ambiante qui devient une partie de soi ?
C’est marrant la symbolique qu’on attache à un lieu, les habitudes et les reflexes que l’on prend, ce lieu qui avait été à chaque fois le début d’un moment plus calme, pour se ressourcer devenant peu à peu mécanique et pénible.
Maintenant, quand elle se promenait tranquille comme aujourd’hui elle redécouvrait des détails que la fréquentation assidue de la gare de Lyon lui avait fait oublier, les lumières, la verrière qui donnait une autre dimension à l’espace.
Habituée à toujours courir ou regarder que le panneau d’affichage, elle ne faisait plus attention à ça avant. Là, elle avait le temps, de déambuler, de boire un café ou de craquer pour un livre au relais. Il n’arriverait que dans 50 min. Les choses s’étaient inversées, c’était lui qui faisait le trajet maintenant et plus elle, elle qui attendait tranquille dans un environnement familier.
Chaque vacances c’était un bonheur de le retrouver, finalement elle avait eu peur que les liens ne se distendent après la séparation avec son installation définitive en région parisienne. Mais à l’inverse, la distance les avaient rendu plus précieux, fragiles et surtout plus intense, la routine s’était estompée et une semaine de vacances scolaires sur 2 elle était contente de retrouver la prunelle de ses yeux : son fils sur le quai de la gare.
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