Soutien atelier bric à book numéro 61
© Emma Jane Browne
Quand elle était à l’étranger, elle aimait bien se balader et visiter, comme ici dans cette église. C’est marrant, elle n’aurait jamais osé pousser la porte de celle-ci d’habitude mais elle voyait plutôt ce lieu comme un bâtiment, avec ses lumières ; son cérémonial plutôt qu’un lieu religieux. Combien de personnes s’étaient rendues ici pour retrouver l’espoir, se délester d’un secret, attendre un conseil, un signe. Se confesser de ses grandes et petites erreurs, toute la nature humaine se retrouvait dans ce lieu.
La nature humaine a besoin de béquille, de bouc émissaire, de garde fous pour avancer, à croire que l’intelligence, la connaissance ne sont pas suffisant. Mais c’est vrai qu’on ressentait quelque chose de différent quand on rentrait dans ce genre d’endroit même quand on ne croyait pas. Une espèce de calme, d’apaisement, de recueillement comme si la ferveur des souvenirs, des prières lancées étaient contenus dans cette pénombre, ces cierges et ces murs.
Pourtant, la pensée magique elle n’y croyait pas, pas plus qu’aux signes d’ailleurs mais l’entêtement, le respect, l’écoute, la passion oui. Une volonté qui ne devait pas plier malgré les obstacles, la noirceur, la peur et l’enfermement ambiant. Pas non plus à une force supérieure qui décide de tout à votre place mais de soi qui se bouge et avance, se relève et essaye d’avancer en faisant le moins de dégâts possibles. De rester droit dans ses bottes sans trembler sans céder aux sirènes du cynisme, de la bêtise et du racisme ambiant. Essayer de croire que c’est encore possible mais à son échelle pas en obéissant aveuglement à des vielles règles obsolètes, pas en pensant qu’on était le seul à avoir raison, pas en jugeant l’autre sur sa manière de s’habiller, de baiser, de mener sa vie. Pas en pensant qu’il ne faut croire en rien mais juste en laissant les gens en paix et faire ce qu’ils veulent.
En regardant ces murs, elle se rendit compte qu’elle avait quand même une forme de spiritualité, de croyance mais qui n’avait pas besoin de règles, de carcans, d’heure fixe et de chef. C’était plus un espoir ténu, diffus, irraisonnable, de se dire que le monde pouvait changer évoluer ici bas et pas dans un au-delà un ailleurs, un après. Elle croyait finalement en l’humain, c’était un peu dingue qu’en même après les horreurs du 20e siècle et ce qui passait actuellement.
Le plus dur c’était de ne pas perdre ça de vue, quand la vie blesse et vous met à l’épreuve, qu’elle vous charrie comme un fétu de paille. De ne pas se laisser embobiner par les vendeurs de simplification, les manichéismes ambiants, d’apprécier la complexité, le gris, le mouvement de balancier de monde tantôt ultra matérialiste, futile et parfois si sectaire.
C’était peut être ça que les gens venaient chercher en poussant la porte d’une église, d’un temple, d’une mosquée ou d’une synagogue, de se rassurer, de trouver un appui. Chacun fait comme il peut après tout. Elle entendit la porte s’ouvrir derrière elle, il était temps qu’elle rentre, reprenne le cours de sa vie simple mais elle espérait utile. Se replonge dans les livres pour trouver un écho, un espoir, de nouvelles idées, une autre vision du monde. Un livre finalement qui pouvait être aussi bien porteur d’espoir que de soumission, un livre finalement qui était la source de sa foi en la connaissance.
©eirenamg