Puissant: des hommes couleur de ciel d'Anaïs Llobet
Ce deuxième roman d’Anais Llobet nous emmène à La Haye aux Pays-Bas au cœur de l’été. La vie est douce pour Alissa qui depuis qu’elle s’est installée en Hollande se fait appeler Alice et également pour l autre personnage principal Adam. Ils se sentent enfin libres, vivants dans leur pays d’adoption, eux qui ont fui les combats et la violence de la Tchétchénie.
Alice est professeur de russe, elle a eu Adam et Kirem son petit frère en cours, elle partage sa vie avec Heindrik. Elle commence enfin à s’habituer, à oublier même si elle fait toujours attention à bien prononcer les mots, à ne pas afficher sa religion, à ne pas dire d’où elle vient exactement pour être mieux intégrée. Mais ce lundi tout vole en éclat, un attentat frappe le lycée où Alice travaille et le passé remonte à la surface.
On suit les conséquences de ce drame pour les protagonistes, leur entourage et aussi pour le pays. L’auteur alterne les points de vue des personnages, nous donne leurs ressorts et leurs clés intimes pour mieux les comprendre. Ce livre est avant tout sur l’identité, le poids du passé, du regard de l’autre, ce qu’il nous assigne comme place. Il montre comment il est difficile de se réinventer même éloignée de sa culture, son pays, sa famille.
Il démontre que nos sociétés sont bien moins ouvertes qu’elles ne le prétendent, comme le souligne le personnage d’Heindrik et son attitude vis-à-vis d’Alice. Il montre aussi comment les traditions, l’honneur peuvent rester plus fortes. Le roman insiste aussi sur l’importance de la famille, des rapports de pouvoir au sein de celle-ci comment Adam se retrouve peu à peu prisonnier de ses choix. L'auteur nous questionne également sur notre liberté, nos choix, sur la difficulté de pouvoir comprendre l’autre.
L’écriture est forte, vive, ultra réaliste et à la fois très intimiste quand elle s’attache à décrire la personnalité des personnages. On les voit jouer cette partition en trois actes et on se demande comment elle va finir. Quand le dernier mot est inscrit, on est sonné, on se demande comment on a pu en arriver là, on a envie de rendre justice à Alice, Kirem, Adam, on n’a pas envie de lâcher leur main.L’auteur signe une fois de plus un récit remarquable, tout en finesse, sans manichéisme, bien documenté et qui fait un effet miroir.
Comment réagirions-nous dans la même situation ? Quels choix faire face aux traditions ? Comment s’assumer, faire fi des codes?
Vous découvrirez la raison du titre que je trouve d’ailleurs très poétique des hommes couleurs de ciel, vous verrez comment la lumière est peu à peu rattrapée par la nuit, vous rendrez justice en vous intéressant à la Tchétchénie. Un deuxième roman impressionnant et maitrisé, qui évite bien des écueils et fait réfléchir, un roman qui nous fait nous décentrer, nous mettre à la place de, sans juger, de la vraie belle littérature en somme.
Ps: Merci aux éditions de l’observatoire pour la lecture de ce roman et de m’avoir permis de retrouver les émotions du premier découvert il y a 2 ans qui m’avait laissé aussi hypnotisé et bluffé. Qui reste attaché également à une très belle rencontres ce jour là n'est ce pas Nicolas?Donc rendez vous au 3e Anais Llobet.
Première lecture commune du Paris-Nantes: voilà l'avis de Virgine :
" Un goût acide envahit ses gencives. Voilà, on y est, se dit Alissa. La Tchétchénie est devenue un gros mot aux Pays-Bas, à chuchoter et à ne surtout pas graver sur les tables. Un mot défendu, qui attire l'attention, qui pue le sang et la mort, déjà banni des repas de famille en Russie et désormais ceux aux Pays-Bas.
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