Dualité : les guerres intérieures de Valérie Tong Cuong #RL19
J’ai été éparpillée façon puzzle pour citer Audiard par ce livre. Il va donc être compliqué de vous faire un argumentaire structuré, détaché. En effet, dès le départ je me suis attachée aux personnages ; Pax l’acteur qui attend la chance de sa vie et en attendant bosse pour une compagnie qui fait des séminaires pour des entreprises, Emi responsable des risques psychosociaux de son entreprise, Alexis, jeune homme promis à un brillant avenir, Cassandre jeune femme pleine de vie, proche de son père Pax.
La narration omnisciente, nous plonge à la fois dans leurs conscience, leurs passés et explique leurs motivations. Elle fait aussi réfléchir à la violence gratuite, à notre individualisme, à nos lâchetés quotidiennes. Comme les personnages on s’interroge sur notre relation à l’autre, à ce que l’on est et ce que l’on donne à voir, à ses masques qu’on porte par habitude, par circonstance.
Ces différents personnages vont être réunis par un fait divers, Alexis voisin de Pax est sauvagement agressé, son avenir est bouleversé. Pax ce jour là a un entretien avec un grand cinéaste qui peut faire décoller sa carrière. 1 an plus tard, Pax est embauché par Emi pour une série d’atelier. Pax a entendu un bruit chez Alexis mais n’est pas allé voir, quand il retrouve Emi que faire ? Lui dire qu’il aurait pu aider son fils ou se taire car il s’attache à elle puis à son fils ?
Le roman est court mais efficace, on retrouve à la fois l’épure, l’humanité des précédents romans de l’auteur. Sa réflexion sur l’homme, ses failles, elle crée des personnages denses, complexes qui ont chacun leur part d’ombre, leurs vécus, leurs espoirs. Elle élargit son propos à notre société et s’attache aussi au monde de l’entreprise. Dans cette fresque actuelle, elle instille du noir, de la brutalité, de la sensualité entre Emi et Pax.
Elle brosse également deux faces d’une même pièce d’un côté Alexis brillant, gentil avec un objectif qui doit affronter l’impensable et revoir totalement sa vision du monde, de l’autre Cassandre qui reste dans la lumière, positive et qui tente de se rapprocher de lui. Des beaux portraits de la jeunesse, loin de la caricature, une analyse fine de nos valeurs individualistes, utilitaires, faites de course à la performance qui parfois oublie l’humain. Elle nous décrit des êtres cabossés, par leurs histoires, les difficultés dans la vie professionnelle comme celle de Pax, dans l’affirmation identitaire et le poids du passé avec Emi. Elle laisse certains mystères aux personnages et donne une intensité au récit avec les interrogations de Pax et la réflexion sur ses actes.
Un grand roman de Valérie Tong Cuong, à la fois dans la lignée de ses oeuvres et qui marque un nouveau champ des possibles dans son écriture, dans la construction de ses récits. Un bel alliage d’ombre et de lumière, de grâce, de légèreté à travers les sensations associées à la nature avec Emi. Une apprêté qu’on retrouve comme à l’époque d’où je suis qui donne une nouvelle couleur à l’écriture. J’aime cette évolution, ce moment comme un crépuscule où on ne sait pas quelle couleur va gagner.
Tout est maitrisé de bout en bout jusqu’à la dernière phrase. Une grande émotion pour ce roman, Valérie tong Cuong a encore franchi un cap, c’est un réel plaisir de voir son évolution, ses prises de risques a chaque récit. C’est un roman qui comme Pardonnable impardonnable, l’atelier des miracles, où je suis m’a fait grandir.
Elle a ce pouvoir là , par la lecture de vous faire réfléchir en écho à ce que vous êtes, à vous identifier à ses personnages. Donc découvrez les luttes intérieures de Pax, Emi et Alexis, vous ne les quitterez pas vraiment à la fin et ils continueront à vous parler une fois le roman terminé.