conte poétique et exil : à crier dans les ruines d'Alexandra Koszelyk

A crier dans les ruines est un premier roman poétique, il nous raconte la vie de Léna et Ivan, enfants puis adolescents en Ukraine. Ils sont comme les deux faces d’une même pièce, ils sont inséparables, ils sont un rempart l’un pour l’autre.

Malgré leurs familles différentes, celle de Léna est aisée, son père travaille à la Centrale de Tchernobyl, le père de Ivan est amoureux de sa terre, de la nature et taiseux. Leur amitié grandit au fil des ans, on découvre et redécouvre les jeux d’enfants, l’amitié immuable, mais un évènement va les séparer l’accident de Tchernobyl. Pour Léna et sa famille destination la France, la Normandie, pour Ivan c’est Kiev.

On s’attache aux pas de Léna, jeune adolescente en exil, à son amour des mots, de la littérature, des contes et légendes. Sa relation fusionnelle avec sa grand-mère Zenka. On la voit grandir, devenir adulte. J’ai aimé suivre l’évolution du personnage, sa manière de voir la vie, sa relation aux ruines, aux mots, à la nature. L’auteure distille des comparaisons avec les mythes, les légendes, les classiques qui réenchantent le monde. Lui donne une vision mélancolique, irréelle, légendaire.

J’ai apprécié les descriptions, les sensations qu’elle fait naitre par sa plume, la manière dont elle replace petite et grande histoire, le rapport à l’autre, au temps, aux sentiments. Mon amour de l’Ecosse et des légendes celtes a été comblé par l’amitié de Léna et Armelle. On a l’impression d’être dans un conte avec une histoire réaliste, des personnages bien campés et en même temps un je ne sais quoi de merveilleux, de poétique. Elle réussit  à décrire l'absence, le vide, la difficulté de se construire avec l'exil dans le sang.

Ivan est l’autre face parfois plus sombre du récit, resté en Ukraine, on apprend sa vie par une série de lettres qu’il écrit et où il décrit l’après. Ce couple emprunte aux classiques du genre, mais dans une relation harmonieuse, il devient peu à peu légendaire au fil des pages. J’ai aimé suivre leur histoire, ils sont à la fois très humains et un peu au dessus.

Enfin le dernier personnage de l’histoire est la nature, la nature protectrice de l’enfance, qui fait place aux rêves, aux serments puis qui devient dangereuse à cause de l’Homme. La nature qui reprend ses droits après la catastrophe, qui aide, fait éclore et bénit en quelque sorte comme dans les rites païens l’histoire de ces deux êtres qui font pleinement partie de leurs terres, son histoire.

J’ai découvert d’autres facettes de l’Ukraine, vu autrement Paris. Avec grâce, légèreté, l’auteure nous plonge dans son univers à la fois magique et très actuel. Elle dresse un portrait fidèle de ses personnages, de leurs choix de vie, de leur souffrance. Elle montre comment une terre, une histoire peut s’incarner.Je comprends mieux aussi ce que peut être l'exil et le deuil compliqué qu'on doit faire de sa terre. 

A la fois personnelle à travers les destinées des deux personnages et universelles par les sentiments, les embûches qu’ils affrontent, elle nous fait réfléchir à la vie, l’exil. Son style est beau, par image, symbolique avec de jolies allusions à ce cher Baudelaire, par moment dans les descriptions de la nature j’ai retrouvé les émotions que j’avais eues en lisant George Sand avec ce petit côté mystique, slave en plus.

L’écriture est aussi un régal en soi de lecture, elle se déploie, devient de plus en plus ample, souple, je me suis régalée à la suivre dans ses pleins et ses déliées. Ce roman restera dans mon oreille, comme les histoires racontées enfant, on est touché, on sourit, on frémit, on espère pour les personnages, on oublie le temps. Je ne verrai plus les ruines comme avant et les coquelicots, maintenant, je penserai systématiquement à Léna et Ivan. 

Comments

[MistiCat]

J'ai repéré ce roman dès sa sortie et j'attends de le découvrir en poche !

Bizzz