Tragédie: ce qu'il nous faut de remords et d'espérance de Céline Lapertot

C'est un récit court et implacable, un affrontement de deux frères Roger et Nicolas depuis l'enfance. Une rivalité pour plaire au père, deux trajectoires l'un avocat et ministre de la Justice: Roger l'autre musicien et  chanteur: Nicolas. Un narrateur omniscient  nous plonge dans leurs têtes, leurs espoirs, leurs peurs.On voit la mécanique tragique se mettre en place de l'enfance, à l'adolescence, les différends irréconciliables qui auraient pu en rester là. Mais le coeur du livre n'est pas là, le sujet c'est celui de la peine de mort. Roger veut son rétablissement, quoiqu'il en coûte, il en fait son cheval de bataille, il est sûr de ses convictions, il veut marquer l'histoire, être de son temps, être la voix de cette société moins laxiste, plus lucide. 2 faits divers vont lui servir pour défendre sa loi: la mort d'une petite fille et un autre inattendu: celui qui va entourer son frère.

Avec une mécanique implacable, Céline Lapertot décortique ainsi la politique, les éminences grises, les dessous d'une loi, le pouls de l'opinion, les ambitions de Victorine et de Thibault. Elle ausculte aussi l'effet grossissant des médias, des témoins.  

Elle montre la force de la rhétorique,  de notre société de juge et de sang. Le côté implacable de la justice, le besoin des hommes de se fabriquer des monstres de flairer la mort d’être sûr de son bon droit. Elle souligne aussi les paradoxes de notre société , cette soif de violence légitimée, sans réfléchir aux causes, sans voir d'autres moyens pour éradiquer celle-ci à part le couperet de la guillotine. 

 Elle utilise la richesse de la langue ; des arguments pour et contre la peine de mort, on voit l'importance des avocats, de Paul qui fait tout pour défendre son client. Sorte de continuation moderne du dernier jour d’un condamné, mais où ici on a accès à tous les points de vue, les éminences grises, l'avocat, les portraits des victimes ; des bourreaux, leurs familles. Elle n'édulcore pas le sujet, on a l'impression d'être dans un film notamment quand on est dans la partie sur Nicolas.

Des personnages secondaires comme la mère d'un condamné, le chauffeur du ministre qui incarnent la société et sont spectateurs de cette réforme renforcent le propos.

Monde violent qui réclame la fin de la décadence, tragédie en plusieurs actes, réflexion sur la dignité, le droit, la preuve. Réquisitoire efficace contre la peine de mort à découvrir , qui arrive à nous ébranler jusqu’au bout. On fini par prendre en pitié Roger colosse aux pieds d’argile, on est touché par Nicolas, Ophelia qui veulent exister par leur musique et dont le destin va être bouleversé.

Incarné, documenté, efficace et terriblement flippant, car ultra-réaliste et crédible. Un roman qui fait froid dans le dos même s’il donne de l' espoir sur la capacité de quelques hommes a défendre le droit avec Paul, Maréchal. Livre qui m’a touché comme en son temps Hugo qui m’avait donné envie de croire en ces valeurs humanistes et donner envie d’être professeur de lettres.

Un livre nécessaire à lire et faire lire.