Histoire(s): tous les mots qu'on ne s'est pas dits Mabrouk Rachedi.

Ce roman c'est le récit de la grande Histoire à travers l'histoire d'une famille, celle du narrateur. Le petit Malik comme tout le monde l'appelle est à la croisée de la route,il ne veut plus d'une vie vide de sens, souhaite écrire un premier roman, mais n'ose pas l'avouer à sa famille. Il se rend sur la péniche où l'attend sa famille pour l'anniversaire de sa mère Fatima. Comment évoquer ce qui lui tient à cœur? Parler de celle qui partage sa vie?

Au fil des pages , il nous donne aux accès aux souvenirs de ses parents,à son enfance. On côtoie également les membres des sa fratrie, ses frères Sofiane, Kader, sa sœur ainée Dihya, Myriam. Fresque familiale qui fait comprendre l'exil, le travail à l'usine, les combats pour mieux vivre, mais aussi le racisme, Charonne, l'horreur de la guerre pour ceux restés sur place.

Le mythe, l'idéal du retour au pays est aussi présent pour le père Mohand et à travers un épisode de l'histoire familiale qui va laisser une marque durable à la famille. À travers des détails, la tour de la gare de Lyon, la tour Eiffel, le bandeau de Brigitte Bardot qui prennent des significations différentes selon les personnages, le narrateur dévoile aussi les non-dits, les secrets, la place de chacun. Mais aussi la quête identitaire avec les petits enfants, l'évolution différente de la banlieue à travers le parcours de deux anciens amis.

 D'une écriture à la fois émouvante, drôle, avec des personnages terriblement humains, l'auteur nous dresse le portrait d'une France plurielle. Mais il nous interroge sur ses luttes, il se questionne sur sa place dans le monde, sur l'amour, la quête de sens face à l'argent, l'envie de réussite.

À travers chaque personnage sans manichéisme, il montre les ambiguïtés, les failles, les compromis qu'ils font pour continuer à avancer. La figure de la mère est très présente, ode à celle-ci à la fois protectrice, guide , mère courage avec Fatima. Le père est aussi un modèle pour faire venir sa famille, donner le meilleur pour ses enfants, on a accès grâce à lui au monde ouvrier avec son meilleur ami syndicaliste. Modèle de courage, d'abnégation, de taiseux.Une tension s'installe peu à peu au fil des pages, entre les allers-retours passé/ présent jusqu'à la chute étourdissante.

Destins épars entre nouveaux riches, assignations identitaires, volonté d'émancipation et de liberté, réflexion sur la place des femmes notamment avec le personnage de la sœur ainée qui s'occupe de la mère. Un livre court et intense, qui bouleverse par son humanité, son universalisme et ce qu'il nous montre des destins percutés par l'histoire.

J'avais aimé le précédent roman de l'auteur, j'ai retrouvé sa plume à la fois actuelle, ancrée dans la proche banlieue de Paris, mais pas que, qui nous dit la difficulté de l'exil, du métissage, d'être soi.

Oeuvre littéraire, citoyenne qui nous fait vivre les questionnements de ses personnages, ouvrage qui va m'accompagner longtemps et maintenant à chaque fois que je serai dans le RER D , à proximité de la tour de la gare de Lyon sur un banc ou en voyant la tour Eiffel j'aurais une pensée pour ces personnages de papiers plus vrais que nature  qui incarnent le destin bouleversé d'hommes et de femmes qui ont bien vécu ces histoires.

Plongez dans l'histoire de cette famille et laissez vous bercer par la voix de conteur de l'auteur, vous en ressortirez grandit.

Bravo Mabrouk une fois de plus ta manière de dire le monde et la pudeur de ton écriture ont fait écho.