Etre une femme: Sorcières de Mona Chollet

Sorcières est un essai qui explique l’évolution politique, sociale, culturelle de cette figure qui date du Moyen Age et qui a été très combattue à la Renaissance.

Au cours des différents chapitres l’auteure analyse les écrits, des situations, des faits historiques, des journaux et donne des exemples à travers le globe. Elle parle de figures féministes mais pas que, elle s’interroge sur l’intériorisation de certains principes par les femmes elles-mêmes. A la fois, réflexion, sociologie, lanceur de débat cet essai est intéressant car il n’est pas moralisateur. Il n’est pas à charge mais essaye d’être le plus réflexif, didactique possible. L’auteure souligne aussi ses paradoxes, les raisons qui l’ont poussé à s’intéresser à cette figure, elle montre comment cette image de femme maléfique s’est transformée en revendication politique et identitaire notamment dans l’introduction.

J’ai aimé le positionnement historique, critique de l’auteur, les nombreux exemples, l’analyse de la vision de la mère, de la célibataire par exemple. Le décorticage des impensées, de l’intériorisation à travers l’éducation. Outre la réflexion autour de la maternité, de la vision que l’on a des femmes qui n’ont pas d’enfant, elle s’interroge sur le mythe de la vieille fille. Sur les injonctions faites à rester jeune, à se teindre les cheveux, à ne pas être négligée. Elle démontre aussi que l’infantilisation du corps de la femme, notamment dans le domaine médical, lors de l’accouchement, de rendez-vous gynécologique est aussi liée à une version très fermée de la science. Elle démontre comment les femmes ont été peu à peu invisibilisées, disqualifiées dans certains domaines. Comment certains clichés sont tenaces.  La manière dont on veut cacher le vieillissement, comme on nous serine très jeune que seule la jeunesse compte pour une femme .Les jugements sévères sur celles qui ne sont pas dans la norme, qui refusent certains diktats fait par les femmes elles-mêmes notamment dans les magasines féminins et leur culte de la jeunesse éternelle.

Elle démontre que la femme est toujours ramenée à son corps, ses humeurs, ses hormones et aussi comment on se disqualifie d’office par rapport à la science ; qu’on ramène nos ambitions vers le bas parfois ou qu’on n’ose pas affronter le regard des autres. Elle montre comment même les féministes entre elles intègrent certains clichés. Comment il est difficile de s’extraire de cette pensée religieuse ou rationaliste qui disqualifie les femmes. L’essai est à la fois dense et clair, il justifie, argumente, pose des questions sans forcément donner toutes les réponses.

Il est à la fois personnel et universel, il donne ici des perspectives intéressantes vis-à-vis aussi du rapport à la nature, à l’environnement. Il est donc un bon début de réflexion, ce n’est pas un essai contre les hommes, ni celui d’une femme hystérique comme on qualifie les femmes qui parfois posent des questions, mettent en doute. Mais une invitation à se réconcilier avec soi même pour les femmes, à voir un autre point de vue de l’histoire celle des vaincues en quelque sorte.

Il invite aussi à s’assumer soi, à trouver sa vision de la féminité, de sa place dans le monde. Le thème de la sororité est peu abordé dans l’essai, ici c’est la Femme sous toute ses coutures qui est analysée aussi bien dans le domaine privé, les relations, le travail, le rapport au corps, aux études, à l’éducation. Et j’ai aimé cette approche non culpabilisante et moralisatrice, avec ses doutes, ses failles. Les références littéraires, historiques et la multitude d’exemples qui etayent la pensée de l’auteure.

Un essai que je conseille de lire à tout le monde, car il instillera en vous des graines de réflexion, vitale pour votre cerveau. Bonne lecture et découvrez la vision de la femme, de ce que l’on pense être une femme et ses ambiguités.

 Ps c'est ma contribution du cogito du mois , des essais qui font réfléchir.