Swing time et liberté : la femme révélée de Gaëlle Nohant

Le roman donne à voir le monde des années 1950 à la fin des années 1960. On voyage des quartiers huppés de la gold coast de Chicago avec les grandes maisons où on étale sa réussite et où chacun est à sa place. Où on méprise les domestiques noires ,qu on traite comme des moins que rien. On retrouve cette conscience de classe dans les quartiers huppés de St Germain à Paris où la misère d après guerre, ne se regarde pas en face.

On côtoie l'autre face du monde avec la dénonciation des inégalités et de la violence à travers l'oeil de Violet, son doigt sur son rolleiflex capture l époque. Elle fixe les ghettos, la ségrégation visible et invisible, la peur des élites, la rébellion face à un ordre injuste. Elle montre aussi la beauté des petites gens, leur fierté malgré la vie dure, la beauté intérieure et les failles des personnes qu'elle capture dans son objectif. A travers son regard on redécouvre le Paris d après guerre et ses fêlures . Les quartiers populaires, les prostituées comme avec Rosa, les ouvriers.On comprend la volonté d'émancipation et de se libèrer d'un carcan pour les femmes comme avec Brigitte et surtout Violet.

Portraits de femmes fortes et fragiles à la fois qui veulent simplement vivre dans un monde où on les reduits à des mères et des épouses. L'ouverture sur le monde de Violet se fait grâce à son père sociologue et l'ami de celui-ci Henri figure tutélaire qui traverse le destin du personnage. J'ai particulièrement apprécié ce personnage et sa philosophie tranquille, réaliste et de révolte assumée.

La violence est présente à travers les lignes feutrée dans les maisons, post-traumatiques comme celle d'Adam et Sam. Liberté chérie, voulue, payée chèrement comme ce jazz que Violet va écouter à Paris. Style plus fluide, libre, rythme enlevé de l auteure. Ellipse, zoom sur les événements marquants de l'Amérique et où j ai découvert Chicago à travers ses lignes qui ne faisaient pas parti de mon imaginaire.

Un seul bémol: j aurais aimé cheminer davantage avec le personnage d'Horatio et sa fille Théa dans la 2e partie, vivre quelques années de plus avec Tim et sa mère. Mais il faut bien parfois que la musique s arrête.

Un beau portait de femme, une dénonciation des injustices à travers les photos de Violet. Une déclaration d amour à Chicago, la liberté et l'espoir d un monde meilleur. Une capacité à recréer une époque comme l auteure sait le faire. Alors prenez une respiration et rentrez dans la danse.