Le récit suit Anna, pharmacienne, marié à Hugues Gauthier, un fils de bonne famille et mère de Léo. Elle adore sa maison en haut d’une colline, à l’abri du monde, elle qui s’est construite à force d’abnégation. Un jour sa vie bascule, son fils Léo, la prunelle de ses yeux est arrêté.
L’auteure décrit d’une manière implacable et avec maestria le déraillement d’une vie, enfin de plusieurs vies. En l’inscrivant dans une temporalité contemporaine, elle fait réfléchir sur la violence verbale, physique, de classe, de la société. Anna, le fil rouge de l’histoire est tour à tour forte et fragile, on comprend comment elle s’est construite à travers ses souvenirs, ce que cette remise en cause de son statut social dérègle chez elle.
Personnage fort et fragile, obsédant, on se demande tout au long du récit comment elle va réussir à maintenir en place tout ce qu’elle ne souhaite pas partager avec son mari. À l’inverse son mari, lui veut continuer sa route, jouer le jeu social qu’il connaît bien et maintenir sa réputation. J’ai été touché par le personnage de Léo, tributaire d’un double héritage et qui va se révéler à travers l’épreuve qu’il traverse, le seul à se rendre compte que sa mère ne va pas bien.
La tension monte crescendo, les chapitres sont courts, prenant, la langue est tantôt vive, précise, le récit est sombre et en même temps, il y a un côté instinctif, une volonté de tenir malgré tout, de dépasser son passé, sa classe sociale, sa douleur. Anna est prête à se battre pour son fils, pour le protéger. Les portraits psychologiques sont fouillés, tout comme l’analyse de la société sous jacente. Ma première immersion dans l’univers de l’auteur avait été avec Pardonnable, Impardonnable qui a été une lecture marquante à la fois par la découverte du style de l’auteur et par le fait qu’elle a modifié mon regard sur le monde, le pardon, la famille.
J’ai ressenti à nouveau un choc, une émotion qui fait que je me suis rapidement attachée au personnage d’Anna, comme si elle n’était pas seulement que de fiction, l’écriture m’a happé et la fin m’a sonné. Quand j’apprécie un récit je suis souvent enthousiaste mais parfois, il y a des récits qui font bouger vos lignes, réfléchir autrement, et c’est plus rare.
Valérie Tong Cuong a une nouvelle fois réussit cela, me mettre à la place de ses personnages, me faire finir le livre scotché, m’y faire penser bien après avoir posé le livre. Anna et Léo ont rejoint ces personnages qui peuplent mon imaginaire littéraire et qui vont m’accompagner longtemps.
L’auteure a une nouvelle fois fait une mue, plus sombre, acérée et qui lui va bien et qui démontre sa capacité à creuser, peaufiner son étude des caractères humains. Découvrez le destin d’Anna et de sa famille, plongez au cœur de la tempête et découvrez la force et l’instinct de survie à l’état brut.