Meute:le voyant d'Etampes d'Abel Quentin
Le roman est une réflexion intéressante sur notre époque, on suit un looser magnifique, professeur de fac à la retraite, spécialiste de la Guerre froide : Jean Roscoff .Il décide de se refaire une santé universitaire et littéraire en publiant sur un poète américain Robert Willow, peu connu qui a vécu dans l’Essonne. Occasion pour lui de développer ses 2 passions, la littérature et l’histoire, car le poète a été dans l’entourage de Sartre, de grands noms de la littérature américaine.
Cet essai qui devait passer inaperçu et juste redorer le blason et l’honneur du narrateur va provoquer un tsunami dans sa vie, sur internet et l’amener à revoir totalement tout ce qu’il tenait ou pensait pour acquis.
J’ai aimé l’aspect très mordant, ironique du livre. Son approche presque sociologique de notre époque dont il décrit bien l’emballement, les dérives des réseaux sociaux, la volonté de se trouver un adversaire. Regard aussi ironique et nostalgique sur les années 1980 ; le combat antiraciste et la montée aux pouvoirs de jeunes loups qui oublient bien vite leurs idéaux.
Antihéros alcoolique, désabusé qui n’est pas un mauvais bougre, mais qui n’a pas le logiciel de l’époque. Outre cette réflexion sur le monde de dingue dans lequel nous vivons, il y a aussi de nombreuses évocations de l’Amérique, de la Guerre froide, du monde de Saint-Germain, de l’université. Presque une fresque dans laquelle on nous fait plus précisément réfléchir sur l’homme, son identité, son rapport à l’autre, le jugement, les faux semblants et la perte d’idéaux. Il parvient aussi à dégommer certains travers du monde de l’édition.
Intelligent, drôle, émouvant, parfois un peu policier quand l’auteur mène son enquête sur son poète ou fait son autocritique et j’ai adoré les derniers chapitres. Les interrogations du personnage sont percutantes et l’auteur démontre bien la schizophrénie de notre époque, ses anachronismes, son effet de meute, sa bêtise, ses excès même quand la cause est noble pour le féminisme ou l’antiracisme.
Satire d’une époque de juge, de l’effet grossissant des réseaux sociaux qui fait parfois réécrire totalement la vie d’un homme ( les titres des articles,les réactions des twittos comme l’épisode dans une matinale à la radio sont saisissant de réalisme.) L’impossibilité du débat, d’e l'écoute, la volonté de choisir un camp,de réécrire l’histoire sont très bien retranscrites. Ce roman m’a fait réfléchir sur certains mouvements woke ; cancel culture et féministe qui interrogent par ailleurs mon identité métisse et féminine. Je me suis parfois comme le personnage posée des questions sur ce procès d’intention fait à partir de ses écrits.
Jusqu’aux dernières lignes, ce roman est savoureux, donc découvrez Willow, Roscoff et des personnages plus vrais que nature pour comprendre notre époque du clash.